mercredi 16 janvier 2008

Suite du recueil, 82 à 88

82

Les couleurs

Si un jour

J'en ai envie
Et suis
Assez riche
Pour les élever,
J'adopterai
Un petit africain,
Une petite asiatique,
Une petite indienne
Et un petit Blond
Aux yeux bleus
Ou marrons.
Comme ça
Tant qu'ils seront là

Il y aura toujours
De jolies couleurs
A la maison.

16 juillet 1983




83


Toutes les fleurs de l'été


On dit que les feuilles

Tombent à l'automne,
Se fanent les fleurs
Et le froid revient.
Mais si
Par un jour d'octobre,

Foulant les feuilles amassées
Au pied des grands arbres
Dénudés,
Nous nous en irons
Unis par le cœur,
Alors que viennent
Le froid et la neige
Et le vent,
Sur la terre
Noire et désolée,
Peu m'importe,
Car au fond de ton regard
Je contemplerai
Toutes les fleurs de l'été.

31 juillet 1983



84


Ma situation


Pendant que j'essaie

De tenir la barre
Sur un océan
En furie,
D'autres
Boivent
La tasse,
Et se disent
Avec ravissement :
L'eau est bonne
Aujourd'hui.


2 novembre 1983


85


Désir


Au Louvre,

Je vis une tête antique de femme.
Elle était à la hauteur de mes yeux.
Soudain, je l'ai senti si vivante,
Si proche de moi,
Que j'ai eu envie de l'embrasser
Sur ses lèvres de marbre.
Et puis je n'ai pas osé.
Finalement j'ai bien fait,
Car, Je ne lui avais pas demandé son avis.
Mais peut-être que si je l'avais fait,
Elle aurait repris vie et se serait animée
Sous mes yeux ébahis,
Oh ! Quelle merveille !
Le public se serait affolé,
Mais moi, j'aurais bien ramené
Ma nouvelle amie
Chez moi.
Il aurait fallu se méfier
Des gardiens.
On m'aurait accusé
De la voler.
Comment
Peut-on oser affirmer
Qu'une femme si belle
Si vivante,
Puisse appartenir
Aux corridors poussiéreux
D'un musée !?


5 janvier 1984 & 29 septembre 2004



86


Le sang des arbres


Ruisselets d'aiguilles,

Le sang vert
Des arbres
Ruisselle
Au fond des poubelles
Du vieux Paris.
C'est le lendemain
De Noël,
Le balayeur
A son travail,
Le balai à la main,
Bâille aux corneilles,
Lui aussi
A fait la fête
La veille.
C'est le lendemain
De Noël.
La fête est finie
Et les arbres aussi.


2 janvier 1984



87

Où êtes-vous ?

J'ai un grand cerisier,
Aucun oiseau
Ne vient y manger.
J'ai un grand champ
De fleurs,
Aucun papillon
Ne vient y voleter.
J'ai un grand étang,
On n'y voit pas un poisson,
J'ai un grand ciel
Où le soleil
Ne vient pas briller,
Ni les étoiles
La nuit Scintiller.
Ah ! où êtes-vous
Oiseaux, poissons,
Soleil, étoiles
Et papillons ?

3 juin 1984


88

Adieu les kébours !*
Bonjour les goldoraks !**



Hier Paris a perdu ses tramways

Et ses agents à cheval, vestiges du passé.
Et puis Paris a perdu
La plupart de ses urinoirs

Chers à Vespasien,
Le fameux empereur romain.
Et ses autobus à plateforme,
Et ses rames de métro rugissantes,
De marque Sprague-Thomson,
Et voilà qu'à présent,
Après leur avoir ôté leur pèlerine
Et leur bâton blanc,
On retire à nos agents
Leur couvre-chef illustre,
Dernière fleur du passé,
Dernier vestige
Du Paris de jadis :
Le chapeau tubulaire
Garni d'une visière,
Qui faisait toute l'originalité
De nos policiers.
Alors quoi ?
Des casquettes à présent !
Des goldoraks rugissantes,
Des bus qui ressemblent plus
A des autocars qu'à des autobus,
Des rames de métro pareilles
Ou presque
A celles de Bruxelles ou de Marseille,
Des choses Baptisées "sanisettes"
Qui ne ressemblent
Qu'à des tas de cailloux blancs cimentés…
Et il faut payer un franc !
Plus le droit de pisser gratuitement !
Demandez donc aux taxis
Qui roulent onze heures
Par jour ou par nuit dans Paris,
Ce qu'ils en pensent !
Et à présent, c'est un comble !
On nous retire le dernier vestige
Du paysage de Paris de jadis…
Demain, dans Paris,
Les malfrats et les voleurs
Ne sauront même plus
Ce que c'est "La peur du képi",
Nos agents ?
Ils n'auront plus que des casquettes !
Ah ! décidément Paris,
Tu ne seras plus Paris !
Heureusement,
Que sur les bords de Seine
Et dans les jardins,
Il nous reste encore
Les amoureux,
Et dans les ruisseaux
Les titis…
Ceux-là,
Ils ne pourront jamais
Nous les moderniser,
Trafiquer, américaniser…
Adieu les kébours !

Bonjour les goldoraks !
Mais nous conserverons toujours
Nos amoureux et nos titis intacts.

5 mai 1984

*Tous corps de métier a son argot professionnel pour désigner ce qui lui est familier. Il y a quelque temps, j'ai entendu un policier parisien appeler ainsi son képi.

**Toujours de l'argot professionnel. Les policiers de Paris, d'après leur ressemblance avec une voiture jouet inspirée du dessin animé "Goldorak", désignent ainsi les nouvelles voitures de police style américain, à sirène modulée et gros appareil lumineux sur le toit, dont ils ont été doté récemment.


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