samedi 12 janvier 2008

Suite du recueil, 21 à 35

21

La vie ensourillée


Quand dans ma journée j'ai recueilli un sourire,
Je le range soigneusement
Dans la cache aux sourires de mon cœur.
Et quand je suis triste ou fatigué,
Je ferme les yeux,
Et contemple ces sourires et les doux regards
Glanés au hasard des années et des jours.

Ceux qu'on m'a donnés, ceux donnés à d'autres :
Des sourires de multiples tailles,
De qualités les plus variées,
Des grands et généreux,
Et aussi des très petits,
Des légers à peine esquissés,
Mais très doux.

Et même,
Des sourires tristes et des sourires inquiets,
Des sourires d'amours anciens,
D'amours depuis longtemps disparus,
Mais les sourires sont toujours là
Précieusement conservés.

Des sourires d'enfants en quantité,
Tous d'excellente qualité.
Et bien d'autres encore :
Les sourires des chats et des oiseaux,
De la Lune et des étoiles,
Du printemps et de la pluie fraîche
Se glissant par effraction dans un été bien chaud.
Du ciel bleu,
De la Terre,
De l'estomac affamé à qui on donne à manger,
De mes plus douces amies,
Celui de mes rêves d'amours et d'étreintes
Avec celles,
Qui ne seront peut-être
Jamais miennes…

Devant tous ces sourires
Qui scintillent à l'ombre de mon cœur,
La vie redevient douce,
S'effacent mes peines, mes fatigues contemporaines,
Et ne reste plus,
Illuminant mes jours ensourillés,
Que la vivante lumière
Des mille sourires de mon cœur.


11 avril 1982




22


Rêve


Je marche,
Et je rêve
Que tu marche
A mon côté.
Je m'assieds
Sur un banc
Et je rêve
Que tu t'assois
Près de moi.
J'écris ce poême
Et je rêve
Qu'il est
Pour toi,
Que tu le liras
Assise sur un banc
Près de moi,

Après avoir marché
A mon côté,
Qu'il te plaira
Que nous nous embrasserons
Et que tu souriras.

18 avril 1982




23


La brêche


A quoi rêvais-tu
Quand tu levais les yeux
Et souriais ?
A la lumière
De ce beau jour
Printanier,
A la liberté
Des vacances
Bientôt retrouvées,
Ou à l'amour ?
Je n'ose penser
Que tu rêvais à moi.
Moi, dont la pensée,
Par ton corps et tes yeux
Attirée,
Vient se heurter inlassablement,
Au mur invisible,
Qui sépare mes rêves,
De ta réalité.
Au mur invisible,
Où s'ouvrira
Peut-être
Un jour,
Une brèche
Vers l'univers
De tes yeux verts
Et de ton corps parfait.


19 avril 1982




24


Jour de printemps


Douce sérénité,
Légère allégresse,
C'est le même sentiment qu'on ressent
Quand on caresse les cheveux d'une femme aimée
Qui nous témoigne de la tendresse.
Douce sérénité
Légère allégresse,
Que rien ne vienne troubler
La quiètude de ces jours printaniers,
Si ce n'est une femme aimée
Qui me témoignera de la tendresse.
D'arbres couverts de fleurs,
S'egrène lentement au vent la neige des pétales,
Autour de la pelouse que chauffe le soleil,
Sur des chaises de jardin,
Des amoureux sont assis,
Des touristes se reposent,
Des retraités lisent leur journal,
Et moi,
Tout près,
A l'ombre de grands arbres,
Assis sur un banc,
J'écris ces mots
En souhaitant que le soleil,
Par ces beaux jours qui annoncent l'été,
Ne sera pas seul
A venir rechauffer
Mon cœur esseulé.


Jardin du Luxembourg
Paris, le 23 avril 1982




25


La poésie


La poésie
Est un art,
Une science.
Art
D'exprimer
Les sentiments,
Science,
D'apaiser
Les peines
Du cœur.


1er mai 1982




26


Diamants et drap bleu


Il est des filles
Qui se promènent
Avec des fourrures,
Des fanfreluches,
Et des diamants.
Moi je préfère
Celles qui vont
Par les rues,
En habit de drap bleu,
Un sac de toile au côté,
Rempli de lettres
Ou d'imprimés,
Ce vêtement dissimule
Une magnifique parure :
Bien cachée
Sous la veste
Bat doucement
Un cœur précieux
Comme un gros diamant.


13 mai 1982




27


J'aime une fille


Ses cheveux sont bruns, blonds, ou roux,
Ses yeux bleus, verts ou marrons,
Je ne sais pas.
Je sais seulement
Comment est son cœur,
Humain,
Tendre
Et généreux.
Les autres, je n'en veux pas,
Ombres pâles,
Insignifiantes et décoratives,
Disparaissez de ma vue !


14 mai 1982




28


Au jardin du Luxembourg


Jeune, jolie,
Au soleil sur un banc.
A côté,
Son petit enfant
Tout nu,
Une culotte sur la tête
En guise de chapeau.
Pensive,
Elle regarde son décolleté
Vraiment échancré.
Préoccupée,
Le montre à l'homme qui l'accompagne.
Puis pince sa robe de multiples façons,
La tire par derrière,
Sur le côté.
Enfin, abandonne
Et s'occupe d'autre chose.
Qu'elle est étrange cette société,
Où les femmes
Sont parfois gênées
De laisser voir
Toute la gloire
De leurs tendres collines,
Sources lactées
Qui humectent
Les lèvres des bébés.


15 mai 1982




29


Quinze mai


Hiératiques,
Comme deux sphinx,
Froids,
Comme des icebergs,
Leur tendresse endormie,
Comme une marmotte
Au coeur de l'hiver.
Que de couples ai-je vu
Ce jour-là,
Dans ce jardin
Où je me promenais ?
Quand soudain,
J'ai vu
Deux amoureux vrais,
Tendres et attentionnés,
Aussi incongrus
Parmi les autres,
Qu'une jolie fleur
Sur un tas de fumier.


15 mai 1982




30


La campagne enlaidie par la ville


Comme beaucoup,
J'ai pesté contre ces multitudes de pavillons en contreplaqué,
Plus ou moins bien imités de modèles plus anciens,
Qui rongent la Nature et les campagnes.
Ils sont laids, certes,
Mais en fait, leur présence est rassurante.
Car si tant de gens s'acharnent à les faire construire,
N'est-ce pas parce qu'ils ne supportent pas
Ce qu'on a fait de leur vie à la ville ?
S'ils s'y étaient vraiment adaptés,
Se complaisant dans la fumée,
Le bruit, le ciment et l'entassement,
Ils seraient bien peu humains.
Heureusement, ils n'ont pas accepté ce sort.
Et le nom de "secondaire" n'est qu'une clause de style.
La résidence, où on passe ses meilleurs moments,
Même si ceux-ci sont limités dans le temps,
Est bien la résidence principale.
S'il y a un problème, qui s'exprime par la prolifération

De ces horribles petits cubes de béton à toits rouges,
Dans la verdure des campagnes.
C'est bien le problème de la ville,
Là où on force les gens à habiter,
Et dans quelles conditions.
Qu'on règle celui-là et n'en doutons pas,
La lèpre des pavillons disparaîtra.
Car c'est la maladie de la ville
Que salir la campagne.
Si on ne guérit pas l'un,
On ne rendra pas la santé à l'autre.


29 mai 1982




31


Le monument manquant


Sur quantité de places,
S'élèvent des monuments,
A des hommes
Qui ont fait périr,
Des multitudes
D'autres hommes.
Je propose,
L'érection d'un monument
Aux inconnus,
Qui n'ont jamais fait de mal à personne.
Comme ça,
Si un jour,
Un automobiliste distrait
Encastre sa voiture dedans,
Et se tue,
On aura au moins
Quelque chose
A leur reprocher,
Et ils auront gagné le droit
D'avoir leur monument.


29 mai 1982




32


Architectures


Oui, les horribles maisons secondaires sont belles,
De toute l'humanité qu'indique la volonté
De ceux qui les ont fait faire,
En refusant de survivre toute l'année,
Dans l'horreur des villes de béton pollué.
Pavillons qui défigurez les campagnes,
De tout l'amour de la Nature,
Je vous hais,
De tout le refus des humains de cesser d'être humains,
Je vous adore.
Qu'on abatte les grands corps malades des villes,
Prisons sombres de fumée, de pierre, de briques et de goudron,
Où les étoiles même n'arrivent plus à briller dans la nuit.
Pour détruire ces prisons,
Il faudra d'abord chercher, trouver et chasser les geôliers.
Constructeurs du futur, que ce futur vienne au plus vite,
Détruisez, détruisez ! tout est à reconstruire.
Laissez rentrer le soleil et la vie,
De grâce, ne nous construisez plus de ces cathédrales, temples,
Palais et autres dolmens sophistiqués.
Conservez les anciens, comme curiosités,
Mais ne nous construisez pas de "Palais du Bonheur",
Le seul Palais du Bonheur doit se trouver dans le cœur de chacun,
C'est la ville toute entière qui doit être un monument au bonheur.
Les murs des palais ont toujours servi à cacher par leur ombre,
La misère des chaumières,
Et c'est quand la culture est absente et les artistes en prison,
Entre des murs de pierre ou de misère,
Qu'on construit des palais de l'art et de la culture.
Une cité est belle,
D'abord par la douceur de vivre,
Et non par la grandeur de ses palais.
Respectez et aimez la Nature.
Faites-nous des maisons camouflées,
Qu'à vingt pas elles disparaissent à nos vues.


29 mai 1982




33


Dans le silence de la forêt


Pas un bruit,
Pas un souffle de vent,
Le tapis de feuilles sèches
Assourdit mes pas.
Les troncs immenses
Ont figé
Très haut
Dans le ciel gris
Leur feuillage sombre.
A l'infini,
De tous côtés,
La forêt étend sa présence.
Quelquefois,
Avec un froissement d'ailes,
Un oiseau noir effrayé,
Prend son envol
Et disparaît.
Depuis combien de temps
A-t-il fallu marcher ?
Et toujours le silence
De la forêt muette
Où même nos cris
Semblent s'étouffer
Dans l'air immobile.


1er juin 1982




34


Les principales maladies


Les trois principales maladies
Dont souffre aujourd'hui
L'homme
Sont,
La faim,
L'ennui
Et la solitude.

Après, et après seulement
Viennent les maladies
Cardiaques,
Cellulaires,
Respiratoires,
Virales,
Ou microbiennes.


5 juin 1982




35


La Présence


Il avait marché
Toute la journée,
S'était assis
De temps en temps
Sur un banc.
Il ne voulait pas
Se retrouver seul
Chez lui
Avec "la Présence".
Enfin il en eut assez,
Et s'en retourna
Dans sa demeure.
Prit un siège,
Baissa les yeux,
Les releva
Et vit avec effroi
Qu'Elle était là…
Devant lui,
Etait assis,
"Lui-même",
Qui le regardait
Fixement.


11 juin 1982


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