dimanche 13 janvier 2008

Suite du recueil, 36 à 40

36

Lendemains de Noël


La neige tombe,
Les lampions se sont éteints,
Les sapins ont perdu
Leurs décorations.
Dans une ruelle, seul,
Allongé dans la boue glacée,
Une bouteille vide à son côté,
Un vieillard meurt lentement,
De froid, de faim
Et de tristesse.
C'est le clochard
Qui, il y a quinze jours
A peine
Incarnait le rôle du Père Noël
Devant les Grands Magasins.


12 juin 1982




37

Honneur aux balayeurs !


Mon outil de travail
Est le sceptre,
Dit le roi.
Et moi,
Mon outil de travail
Est le balai,
Dit le balayeur.
Que fais-tu
De ton outil de travail ?
Interrogea le balayeur.
Je montre mon autorité
Fit le roi.
Et moi,
Avec mon balai,
Je balaie la poussière
Et même quelquefois les rois
Qui sont tombés dedans
Sans le faire exprès…
On les avait poussés.
Il y aura toujours des balais
Ou des aspirateurs,
Ou des robots-extrêmement-perfectionnés-empêchant-la-poussière-de-se-déposer.
Mais un jour,
Il n'y aura plus,
Mais plus du tout
D'autorité…
Gloire et honneur
Aux balayeurs !


12 juin 1982




38

Je cherche un arbre


Je cherche un arbre
Dans une forêt.
Ceux qui croissent
Autour de moi
Semblent de beaux arbres.
En fait,
En les observant plus attentivement
On voit que
Tel arbre
Son écorce
C'est du caoutchouc.
Tel autre,
Ses feuilles
Du papier.
Ou encore,
Un tronc massif
N'est qu'un arbre
Dessiné à l'encre brune,
Sur un reflet de rayon de soleil.
Loin sur les hauteurs,
Semblent s'élancer
Des futaies généreuses
Et bien réelles,
Mais ô combien lointaines.
Et quand je m'approche
Je crains ne pas y arriver,
Ou être déçu,
En ne trouvant à leur place
Que la poussière
D'un monde imaginaire.


12 juin 1982




39

La Révolution ?


Certains s'enthousiasment à l'idée
D'en découdre pour la bonne cause.
Je ne nie pas qu'il existe
Des bonnes causes.
Mais je trouve aussi que les larmes
Ne valent rien pour le teint,
Les coups font mal et le danger
Est mauvais pour la santé.
Plutôt que faire la Révolution,
Je préférerais rester au lit durant dix ans.
Mais au lit, je ne peux pas rester dix ans,
Et si je suis avec une fille elle râlerait,
Car elle ne trouverait pas sa situation confortable.
On me dit "il faut être fidèle à la Révolution"…
Fidèle ?
Mais je n'ai pas choisi qu'on vienne me demander la fidélité !!
Un comble !!
Je sais, un jour on vous amène une pétition,
Juste pour la signer.
Puis, on vient pour une campagne de fonds :
"C'est pour des gens qui affrontent le danger très loin d'ici".
Enfin, on revient vous apporter un fusil,
Et le plan d'attaque correspondant.
On est alors bien embêté.
On n'a pas refusé le premier,
Ni le second,
On est à court d'arguments
Pour refuser le troisième.
On n'a pas envie d'avoir l'air bête,
Ou de se dédire.
Voilà sans doute pourquoi,
Certains, guère courageux,
Ni enthousiastes,
Vont un jour, la fleur au fusil et les fesses serrées,
Monter à l'assaut du vieux monde,
Alors qu'à la rigueur, ils préféreraient
Ne connaître de la violence,
Que celle d'arracher les fleurs.
Mais si jamais je me fais casser la figure
Pour une bonne cause,
Qu'on ne vienne pas raconter après,
Que j'étais un trompe-la-mort
Aimant les plaies et les bosses.
Qu'on dise bien,
Que j'aurais toujours préféré,
Plutôt que de monter aux barricades,
Rester dans mon lit,
De préférence,
En agréable compagnie,
Et que je n'ai pas donné ma vie
Pour la Cause,
On me l'a prise
Alors que je voulais la garder.


1er juin 1982, 19 juin & 29 septembre 2004




40

Rencontre


Ils viennent de se rencontrer.
Spontanément
Elle lui caresse la tête,
Lui prend la main,
Lui caresse la joue,
L'embrasse dans les cheveux…
Elle a quatre ans,
Lui, guère plus d'un.


2 juillet 1982


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