vendredi 18 janvier 2008

Suite du recueil, 122 à 128

122


Complainte du 1er avril


Que sont les "poissons d'avril" devenus ?
Les joyeux mensonges, les découpages en papier
Appendus au dos des inconnu(e)s ?
Durant les vingt années
Qui viennent de s'écouler,
Les "poissons d'avril"
Ont fini noyés.
C'est signé Basile,
Né le trois avril
Et qui faillit naître
Le premier.


28 novembre 1993




123


C'est pour elle


C'est elle
La plus belle
Des roses,
Car elle n'a pas
D'épines,
N'aimant pas
L'épine,
Elle préfère
Les copines.
J'aime son regard,
Sa personne,
Son allure,
Sa douceur,
Et la chaleur
De son corps.
Et je sais
Que n'aimant pas
L'épine,
Jamais
Elle ne me blessera.


29 décembre 1993




124


L'étoile


Une étoile
Brille dans le ciel,
Elle s'appelle
Capella.


Un homme
Vit sur Terre
Il s'appelle
Capella.


Il a une femme
Qui l'attend
A la maison,
Et quand il s'endort
Le soir dans ses bras,
Dans le ciel,
Au-dessus de sa maison,
Brille une étoile
Qui porte son nom.


Une prise d'otages,
Une fusillade.
L'inspecteur ne rentrera pas ce soir.


Et brille dans le ciel,
Au-dessus de sa maison,
Une étoile qui s'appelle
Comme il s'appelait,
Capella.


6 janvier 1994




125


Sarah


Connaissez-vous la plus belle demoiselle
De la rue Rambuteau ?
Elle s'appelle Sarah !
Son papa est prof de yoga,
Sa maman, ce qu'elle fait ?
Je ne sais pas.
Sarah, je t'épouserai bien,
Mais malheureusement
J'ai quarante-deux ans
Et tu n'as pas deux mois.
Pour te séduire,
J'ai voulu t'offrir
Un grand restaurant,
On m'a dit que tu préférais
Le lait de ta maman.
Pour te séduire
J'ai voulu t'offrir
Un tas de diamants
On m'a dit
Que tu ne trouvais pas ça intéressant.
Pour te séduire
J'ai voulu t'offrir
Un chemisier en soie
Terriblement décolleté
On m'a dit que tu préférais
Musarder à poil toute la journée.
Pour te séduire
J'ai voulu t'offrir
Un chalet près du Mont Blanc
On m'a dit que tu préférais
La chambre de tes parents.
Pour te séduire
J'ai voulu t'offrir
Une belle voiture dorée
On m'a dit que tu préférais
Ton landau capitonné.
Pour te séduire
J'ai voulu t'offrir
Un yacht sur la Mer Noire
On m'a dit que tu préférais
L'eau tiède de ta baignoire.
Pour te séduire
J'ai voulu t'offrir
Le monde entier
On m'a dit
Que tu ne savais pas
Ce que c'est.
Pour te séduire
J'ai voulu t'offrir
Mon cœur
On m'a dit que tu étais preneuse,
Mais que tu avais déjà aussi
Pris celui de tes parents
Et de tous les ami(e)s
De ton papa
Et de ta maman.


7 janvier 1994




126


La recette de la semaine :
l'amour absolu


Prenez un grand besoin de caresses,
Ajoutez une forte envie de sexe,
Même refoulée,
Et beaucoup d'admiration
Pour une demoiselle.
Mettez à bouillir
Durant plusieurs heures dans votre cœur.
Au moment de servir cette infusion
Jetez-y
Trois poignées de confiance,
Une généreuse poignée de folie,
Trois gouttes d'absolue confiance,
Deux gouttes d'absolue folie,
Saupoudrez généreusement
De la poudre d'oubli des souffrances passées,
Buvez bouillant.
Vous étouffez ?
Vous paniquez ?
Vous délirez ?
C'est parfait.
Vous avez réussi
La recette.


Bonne chance !
Et à la semaine prochaine !


Philomène



8 janvier 1994




127


Les crabes de la côte


T'en souviens-tu
Crabe d'Arromanches ?
Par un temps clair, une aube d'été,
La mer se couvrit d'éclairs et de navires.
Jaillis des bateaux qui s'ouvraient,
Des hommes couraient, tombaient,
Et la mer autour d'eux rougissait.
T'en souviens-tu
Crabe d'Arromanches ?
C'était un matin de juin, durant trois ans,
Après ce jour du grand débarquement,
Vous fûtes énormes
Crabes d'Arromanches et de la côte alentour.
Certains jours vous fûtes mangés
Par des familles éplorées
De France, du Canada,
D'Angleterre, des Etats-Unis,
D'Afrique du Sud, d'Australie et d'ailleurs,
Venues en pèlerinage
Là où disparurent,
Sous les tirs d'artilleries,
Ou pris par les mines,
Leurs êtres les plus chers
Epoux, frère, fils ou père.
Et pensant à eux,
Ils vous mangèrent sans vergogne
Avec un verre de vin blanc
Ou de bourgogne
Dans quelques petits restaurants,
Sans savoir que ceux qu'ils aimèrent
Vous les avez mangés avant.


5 février 1994




128


Le Commissaire


Le Commissaire était débraillé,
Devant ses camarades et devant Dieu.
Ce n'était pas sérieux pour un Commissaire !
Alors, devant ses camarades et devant Dieu,
Il s'est arrangé un peu.
Il a soigneusement boutonné sa chemise.
Puis, soigneusement,
Il a boutonné son gilet et fermé son veston.
Ah oui, aussi,
Il a arrangé ses cheveux et ajusté sa cravate.
A présent, il était presque parfait le Commissaire.
Silvestri, il s'appelait.
Il n'était plus débraillé !
Si une femme avait été là, elle l'aurait trouvé élégant.
Le Commissaire avait les mains nues et sans gants.
Sans richesses, ni présents,
Les mains nues encore chaudes pour quelques instants.
Mais aucune femme, n'était là,
Seuls douze canons d'acier le regardaient,
Et puis aussi, ses camarades sur le côté.
Le Commissaire Silvestri a regardé droit devant lui.
Le Commissaire n'était plus débraillé,
Il était beau !
Il était suprêmement élégant.
Il était le plus beau de tous les commissaires du Monde.
Et quand la décharge est partie,
Son vêtement troué
Il est tombé sur le sol de sa patrie
En murmurant : Vive la France.


Basile Pachkoff, Paris 1994
50 ans après la mort du Commissaire Silvestri.



0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Abonnement Publier les commentaires [Atom]

<< Accueil