samedi 19 janvier 2008

Suite du recueil, 129 à 135

129


Eternité


J'aimerais me réincarner dans une pierre,
Parmi des millions d'autres pierres
Dans la Vallée de la Bonne Pierre.
Je verrais passer des générations
De promeneurs ou d'alpinistes,
Les saisons, les jours
Et les nuits tranquilles.
Ni le froid, ni le bruit, ni le gel
Ne troubleront ma méditation sereine.
Dans le froid de l'hiver,
La chaleur de l'été,
La pluie de l'automne
Et le vent du printemps,
Je dormirais ainsi,
Pendant des millions d'années,
Jusqu'à ce qu'un jour,
Le gel me fendant,
Je m'en aille renaître parmi les hommes
Vraiment vivants et réveillés.
Oui, renaître,
Ou plutôt naître vraiment,
Et en attendant demain,
Etre une pierre et reposer
D'un sommeil de pierre
Dans la Vallée de la Bonne Pierre
Près de la Vallée du Vénéon, dans l'Isère.


23 février 1994




130


Vive les homosexuels et les violeurs !


Quand on est
Très dérangé dans sa tête
Et qu'on a peur du sexe opposé,
Soit qu'on évite d'y toucher,
Soit qu'on cherche
A lui courir après,
Pour fuir très vite ensuite,
On se dit
Très content :
Oui mais
Je ne suis pas si mal,
Car je ne suis
Ni violeur, ni homosexuel.
Merci à vous criminels
Ou marginaux de la sexualité,
Vous êtes utiles à nous,
Gens sages et bien pensants
Car grâce à vous
Trouillards
Ou coureurs
Nous voilà rassurés !


25 février 1994




131


Attente illimitée


Passe le jour,
Passe la nuit.
Désert.
La Lune a vomit
Une nuée blême.
Dans la maison obscure
Tout est silencieux,
Sauf le tic-tac du réveil
Qui décompte
Les heures qui me restent
Avant la dernière.
Ô siècles ! ô millions d'années !
Quand enfin entendrai-je
A mon cœur
Le coucou sonner
L'heure pourpre
De nos amours
Désenchantées ?


25 février 1994




132


Printemps


On frappe à la porte,
Qui crie de la sorte ?
Ouvrez !
Le printemps avec ses pieds fourchus,
Le Printemps est revenu !
Alors l'Hiver,
Un vieux monsieur habillé de noir
Avec un grand nez très rouge et très froid,
Qui dort tout habillé
Dans un grand lit très froid et sans draps,
Se lève précipitamment
Et prend la poudre d'escampette.
La porte s'ouvre d'un coup,
Le Printemps entre, inondant de lumière
La chambre sombre au carrelage rouge,
Aux murs blancs et sans fenêtres
Où l'hiver dormait.
C'est une fille, très très belle,
D'à peine seize printemps,
Complètement nue,
Avec de longs cheveux blonds,
Une peau dorée,
Des seins mignons,
Une blonde toison,
Et au bas des chevilles,
De jolis sabots fourchus.
En les faisant patacloper sur le carrelage,
Il va dans un coin,
Soulève une vieille couverture rapiécée,
Et en dessous, dans la cage
Où l'Hiver les tenait enfermés,
Soudain,
Des milliers d'oiseaux s'éveillent,
Se mettent à chanter.
Alors le Printemps ouvre la cage
Et délicatement sort les oiseaux un par un,
Et pour les dégourdir, avant de les laisser s'envoler
Leur donne à chacun,
Un bec sur le bout du bec.
Le plus petit, le dernier,
Tout fragile, tremblant
Et plein de duvet,
Ne sait pas encore voler.
Elle l'introduit dans son sexe
D'où il ressortira bientôt
Tout réchauffé
Ce sera l'Eté.


1er mars 1994




133


La roseraie endormie


Comme est émouvante
A visiter
La roseraie de l'Haÿ
Qui dort encore.
Dans ses parterres
Sommeillent des trésors,
S'alignent des noms
Qui signifieront
Demain
Parfums, couleurs,
Fleurs, émerveillement.


L'Haÿ-les-Roses, le 10 avril 1994




134


Les deux roses


C'était dans un restaurant
Où nous mangions
De bonnes choses.
Un homme est passé
Qui vendait des roses.
Isidore en a acheté deux ;
Une était pour ma cousine,
L'autre était pour moi.
Deux fleurs
Venues d'un même cœur,
L'une était la rose de l'amour,
L'autre,
La rose de l'amitié.


10 avril 1994




135


Isabelle


Il faut être
Comme un récif
Battu par la vague
Du malheur.
La vague nous submerge
Et se retire.
La vague nous submerge
A nouveau
Et se retire
A nouveau.
Et nous sommes toujours là,
Immuables,
Inamovibles.
Et les mouettes passent
En planant
Au-dessus de la mer.
Et les mouettes passent
En riant
Au-dessus de la mer.
Et nous planons
Et rions avec elles.


Gennevilliers, le 12 décembre 1994



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